14 mars 2016 – Géopolitique de l’imaginaire, territoires et retour au mythe impérial

Publié le 14 mars 2016 par Bruno Racouchot

Professeur émérite de sociologie à la Sorbonne, explorateur de l’imaginaire connu internationalement (il bénéficie ainsi d’une aura très forte au Brésil), Michel Maffesoli met en relief les liens qui unissent imaginaire et géopolitique. Le résultat en est un entretien de belle tenue, publié dans le cadre des notes CLES (Comprendre les enjeux stratégiques), notes de géopolitique de Grenoble Ecole de Management, pilotées par le directeur, Jean-François Fiorina. Comme l’explique Michel Maffesoli, tout territoire a ses mythes. Et ces mythes ont un rôle fédérateur pour tous les peuples de notre Terre, en quête de sens et de repères. Sans ambages, il constate que la République « Une et Indivisible » a vécu. Nous évoluons désormais dans un temps d’effondrement ou de transition, d’inquiétude ou d’espoir… selon l’avis des observateurs. Ressurgit ainsi le temps des tribus, des communautés. A nous donc de repenser de nouveaux modèles d’organisation sociale, de nouveaux modes d’être et d’agir dans le monde. Si nous voulons faire coexister sur un même territoire des populations d’origines différentes, Michel Maffesoli propose ainsi que – toutes choses égales d’ailleurs… – nous nous inspirions du modèle impérial, qu’incarna si longtemps en Europe le Saint Empire Romain Germanique. Une petite citation ci-après pour éclairer son propos…

« Si l’on reprend l’étymologie de la république, res publica, on doit réfléchir à la manière dont elle a été conçue dans le cadre de l’empire romain, afin d’intégrer des communautés extrêmement diverses. C’est pourquoi je reviens effectivement sur une idée-force de mes travaux, à savoir le retour de l’idée impériale. Cela n’a bien sûr rien à voir avec l’impérialisme. Nous sommes là dans la configuration d’une mosaïque de peuples qui vivent, pour utiliser un oxymore, sur le mode de « l’harmonie conflictuelle ». Il ne s’agit plus de penser la res publica comme la réduction de l’autre au même, mais au contraire d’accepter la pluralité des communautés. Pour employer une image, je dirais qu’il faut s’inspirer de la voûte des cathédrales gothiques : c’est la tension qui donne l’harmonie, raison pour laquelle, en évoquant les sociétés humaines, je parle « d’harmonie conflictuelle ». Aussi, à nous de faire l’apprentissage – ou la redécouverte – de la res publica plurielle. Notre vieille Europe aurait peut-être intérêt à réfléchir aux perspectives que peut offrir le concept impérial pour redonner un souffle nouveau au rêve européen. Le Saint Empire Romain Germanique a répondu pendant des siècles aux attentes des hommes, en sachant faire coexister des populations différentes. »

A l’heure où l’Union européenne a détruit l’idée même d’Europe et l’a plongée dans un abime sans nom, voilà un texte à méditer parce que tout à la fois ancré dans un solide réalisme et dans un imaginaire source de bien des racines à venir. L’influence s’exerce aussi et souvent sur des modes mythiques, d’aucuns diraient irrationnels…

Bruno Racouchot, Directeur de Communication & Influence

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