17 décembre 2013 – Un exemple d’influence positive en opérations extérieures : Radio Surobi en Afghanistan

Publié le 17 décembre 2013 par Bruno Racouchot

L’une de nos dernières notes, Opérations d’environnement d’hier et d’aujourd’hui : de l’Algérie à l’Afghanistan (05/12/13), a suscité nombre de réactions, prouvant l’intérêt que nos lecteurs portent à ces questions. Pour enrichir le débat sur ce sujet des opérations d’influence en opérations extérieures, on peut ici évoquer le témoignage récemment paru de Raphaël Krafft, Captain teacher – Une radio communautaire en Afghanistan (éditions Buchet Chastel, septembre 2013). Journaliste, l’auteur s’est engagé en 2009 dans l’armée française pour aider la Légion étrangère à créer une radio communautaire dans une zone reculée de l’Afghanistan. La question centrale qui se pose ici est celle de la nature même des opérations liées au soft-power : quelles sont les limites des opérations d’influence ? Comment privilégier l’indépendance d’esprit des participants et jouer la carte d’une influence positive ? Doivent-elles se distinguer clairement des opérations grises – voire noires – qui peuvent compromettre le rayonnement réel et les bonnes relations que l’on cherche à établir sur le long terme ? Ou au contraire, doit-on envisager de les combiner, si toutefois cela se révèle être possible et opportun ?… Bref, comme dans nombre d’opérations d’influence, les vecteurs utilisés comptent moins que la définition initiale de la ligne stratégique retenue.

Ayant endossé pour l’occasion, comme réserviste, le rôle d’un capitaine de Légion, l’auteur a eu pour mission des former des Afghans afin que ceux-ci montent une radio libre en langue pashtô. Il devient ainsi le Captain teacher de ces futurs journalistes locaux. Raphaël Krafft rappelle opportunément que « dans la doctrine d’emploi des forces de l’armée française, on trouve cette définition : les Opérations Militaires d’Influence (OMI) regroupent l’ensemble des activités dont l’objet est d’obtenir un effet sur les comportements d’individus, de groupes ou d’organisations (info cibles) afin de contribuer à l’atteinte des objectifs politiques et militaires. […] Elles délivrent des messages ou des signaux crédibles, adaptés aux spécificités culturelles et linguistiques des infos cibles. […] La fin demeure l’imposition de la volonté nationale ou internationale, mais par des moyens autres que l’emploi de la force ou en complément de celle-ci. »

Une nouvelle fois se pose une question de fond : celle de la définition de ce que l’on entend par influence. Nous y avons répondu avec Comes communication à de nombreuses reprises, en particulier dans deux articles cosignés avec Alain Juillet et parus récemment dans des revues scientifiques, à savoir « L’influence, le noble art de l’intelligence économique » (in « La communication, dimension oubliée de l’intelligence économique », Communication & Organisation, Presses universitaires de Bordeaux, n°42, 2013) et « Les stratégies d’influence ou la liberté de l’esprit face à la pensée convenue » (R2IE, Revue Internationale d’Intelligence Economique, éditions Lavoisier, vol 4 – 1/2012 – janvier-juin). Ces deux articles défendent l’idée que l’influence doit être claire et jouer sur le registre des idées, donc de la rhétorique. Il s’agit de susciter l’adhésion, soit par le jeu de la raison, soit par celui de la séduction. Cela n’interdit pas que d’autres voies, plus complexes, puissent être explorées dans le cadre de configurations particulières. Mais l’on entre alors dans un autre domaine que l’influence, au sein d’une zone grise dont les paramètres ne sont plus les mêmes.

Raphaël Krafft rappelle avec raison l’intérêt des opérations d’influence. « L’armée française, rappelle-t-il, ne s’est réintéressée que récemment aux questions de guerre psychologique, à la faveur, notamment, de sa réintégration dans l’OTAN, et la mise en pratique, par l’armée américaine, des thèses émises dans les années 1960 par des théoriciens français de la contre-insurrection […]. On n’emploie plus le terme, trop connoté, de ‘guerre psychologique’ ; on lui préfère désormais le vocable, plus lisse, d’Opérations Militaires d’Influence. Après-guerre, des pays comme l’Allemagne ont bâti leur expérience dans ce domaine sur de solides bases humanistes, dont la France gagnerait peut-être à s’inspirer ». Et l’auteur de plaider en faveur d’un élargissement des moyens « pour que les Opérations Militaires d’Influence trouvent leur place sur un théâtre d’opération. Car, ne l’oublions pas, c’est avant tout un moyen de faire la guerre en limitant les pertes humaines. » Un paramètre essentiel à une époque où l’opinion publique évolue sous la férule de la puissance médiatique…

Bruno Racouchot, Directeur de Communication & Influence

Se procurer le livre de Raphaël Krafft Captain teacher – Une radio communautaire en Afghanistan

Consulter la note Opérations d’environnement d’hier et d’aujourd’hui : de l’Algérie à l’Afghanistan

Consulter l’article cosigné avec Alain Juillet et paru dans Communication & Influence, L’influence, le noble art de l’intelligence économique

Consulter l’article cosigné avec Alain Juillet et paru dans Communication & Influence, Les stratégies d’influence ou la liberté de l’esprit face à la pensée convenue

 

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