25 octobre 2013 – Beyrouth, 23 octobre 1983 : l’attentat contre le poste Drakkar. Une vie du hard power au soft power…

Publié le 25 octobre 2013 par Bruno Racouchot

Il arrive fréquemment que l’on me demande quand est née ma réflexion sur l’influence et plus généralement le soft power. Invariablement, je réponds : « À Beyrouth, le 23 octobre 1983« . Autrement dit quand le poste Drakkar fut la cible d’un attentat terroriste qui tua 58 parachutistes français. Nous venons avec tristesse d’en honorer le 30ème anniversaire. Précisons l’ampleur du désastre. Car un autre attentat, deux minutes plus tôt, avait tué 241 marines américains retranchés dans l’aéroport de Beyrouth. A cette question sur la gestation d’une réflexion personnelle sur l’influence, réponse directe. Réaction immédiate. Mes interlocuteurs sont en général médusés. Médusés d’une part d’apprendre que j’étais alors jeune officier présent sur place (au nord de Drakkar, rue de Verdun, ça ne s’invente pas !), et que j’avais participé au sauvetage des survivants, puis aux missions qui se déroulèrent alors à Beyrouth ouest. D’autre part, de constater que, d’un événement aussi violent, avait pu naître une réflexion sur l’influence. Car le jeune lieutenant des parachutistes d’Infanterie de Marine que j’étais alors avait compris d’emblée que le hard power ne pouvait pas grand-chose dans la nasse de Beyrouth. Et que si nous étions condamnés à en sortir piteusement, c’était par déficit stratégique, inadaptation à la mission (pas de cadre politique et juridique clair), et altération flagrante de la perception par les opinions publiques occidentales. Les Américains avaient beau avoir des norias d’hélicoptères, le New Jersey pouvait bien tirer des obus de marine, le hard power n’était que de peu de secours dans une poudrière comme Beyrouth. D’où l’idée qui germa alors dans mon esprit – de manière minuscule, un chef de section a, en la circonstance, bien d’autres chats à fouetter ! –d’engager peu à peu une réflexion sur le soft power, notamment en mettant en relief le jeu des idées dans les stratégies d’influence. La puissance de l’esprit et la force des idées sont toujours supérieures sur le long terme à la brutalité et l’actualité. Encore faut-il pouvoir penser le long terme…

A cette époque, Beyrouth-ouest était un chaudron, une fournaise où grouillaient milices et mafias. Le crime organisé entretenait des liaisons troubles avec toutes sortes de services. En pleine guerre froide, le climat était explosif. L’occident crut que l’alliance du hard power et des bons sentiments suffirait à rétablir la paix. Tragique erreur que nous payâmes des vies de nos camarades ! Car frappés par une action ciblée dont les véritables commanditaires courent toujours, nous n’avons pas alors su gérer la situation qui était avant tout une question de perception dans une configuration Est/Ouest, avec des relais médiatiques qui, en occident, étaient acquis par panurgisme à une autre cause. Du terrain où se déroulaient les combats, je compris très vite que c’était davantage le jeu des idées qui faisait la pluie et le beau temps en matière d’orientation des opinions publiques, via des opinion makers dont le marquage était avant tout profondément idéologique. De là naquit une réflexion sur les stratégies indirectes et transverses qui sont la marque du soft-power. Elle se poursuivit dans bien d’autres aventures qui devaient suivre, en Europe de l’Est comme en Amérique du Sud… En attendant, ceux qui n’ont pas encore lu le témoignage que j’ai laissé en hommage à mes camarades morts sur le Drakkar pourront avec profit consulter le site de Theatrum Belli qui a accepté de le recueillir. Nietzsche disait : « Ecris avec ton sang et tu apprendras que le sang est esprit ». De Drakkar à l’influence, il y a une longue chaîne, logique, cohérente, anticipatrice et surtout proactive…

Bruno Racouchot, Directeur de Communication & Influence

Lire la tribune publiée dans Theatrum Belli 

 

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