Theatrum Belli

 

N°146 – Juillet 2023 – Musiques et chants militaires, liens sociétaux et leviers d’influence : le décryptage de Thierry Bouzard

« En visant les musiciens russes par des annulations de contrats et des censures de compositeurs, la guerre en Ukraine confirme l’importance de la musique comme agent d’influence. » Pour preuve, simultanément, « les orchestres de la Bundeswehr sont en tournée interna­tionale, diffusant la culture allemande et ouvrant sur des partenariats com­merciaux. » Docteur en histoire et histo­rien militaire, conseiller scientifique du commandement des musiques de l’ar­mée de terre, Thierry Bouzard vient de publier tout récemment Les origines maudites des chants militaires 1941- 1945 (L’Harmattan, avril 2023). A tra­vers ses nombreux travaux, il met en évidence le rôle-clé – aujourd’hui ou­blié – joué longtemps par la musique militaire française, notamment au XIXe siècle, dans l’accompagnement des re­lations diplomatiques et dans la séduc­tion des opinions publiques, intérieures et extérieures.  Lire la suite

 

25 octobre 2013 – Beyrouth, 23 octobre 1983 : l’attentat contre le poste Drakkar. Une vie du hard power au soft power…

Il arrive fréquemment que l’on me demande quand est née ma réflexion sur l’influence et plus généralement le soft power. Invariablement, je réponds : « À Beyrouth, le 23 octobre 1983« . Autrement dit quand le poste Drakkar fut la cible d’un attentat terroriste qui tua 58 parachutistes français. Nous venons avec tristesse d’en honorer le 30ème anniversaire. Précisons l’ampleur du désastre. Car un autre attentat, deux minutes plus tôt, avait tué 241 marines américains retranchés dans l’aéroport de Beyrouth. A cette question sur la gestation d’une réflexion personnelle sur l’influence, réponse directe. Réaction immédiate. Mes interlocuteurs sont en général médusés. Médusés d’une part d’apprendre que j’étais alors jeune officier présent sur place (au nord de Drakkar, rue de Verdun, ça ne s’invente pas !), et que j’avais participé au sauvetage des survivants, puis aux missions qui se déroulèrent alors à Beyrouth ouest. D’autre part, de constater que, d’un événement aussi violent, avait pu naître une réflexion sur l’influence. Car le jeune lieutenant des parachutistes d’Infanterie de Marine que j’étais alors avait compris d’emblée que le hard power ne pouvait pas grand-chose dans la nasse de Beyrouth. Et que si nous étions condamnés à en sortir piteusement, c’était par déficit stratégique, inadaptation à la mission (pas de cadre politique et juridique clair), et altération flagrante de la perception par les opinions publiques occidentales. Les Américains avaient beau avoir des norias d’hélicoptères, le New Jersey pouvait bien tirer des obus de marine, le hard power n’était que de peu de secours dans une poudrière comme Beyrouth. D’où l’idée qui germa alors dans mon esprit – de manière minuscule, un chef de section a, en la circonstance, bien d’autres chats à fouetter ! –d’engager peu à peu une réflexion sur le soft power, notamment en mettant en relief le jeu des idées dans les stratégies d’influence. La puissance de l’esprit et la force des idées sont toujours supérieures sur le long terme à la brutalité et l’actualité. Encore faut-il pouvoir penser le long terme… Lire la suite