10 avril 2021 – Affronter les défis informationnels et communicationnels des nouvelles guerres économiques

Publié le 12 avril 2021 par Bruno Racouchot

Nous évoquions dans notre précédent billet la revue Constructif, think tank de la Fédération française du bâtiment (FFB), laquelle trois fois par an, consacre un dossier dédié aux grandes questions stratégiques de notre temps. Le dernier n°, publié en mars, porte sur les Nouvelles guerres économiques.

Un thème qui nous concerne tous, comme le rappelle Alain Juillet, ancien Haut responsable à l’intelligence économique auprès du Premier ministre, lequel décrit dans son approche les quatre volets d’une confrontation à l’échelle planétaire, qui s’intensifie mois après mois avec toujours plus de violence. Des attaques qui sont d’autant plus complexes à déchiffrer qu’elles se couplent fréquemment avec un activisme qui s’avance paré de la bonne conscience, contournant de la sorte les règles fondamentales de la démocratie, et ce au nom du « Bien », comme le décortique méticuleusement Slobodan Despot.  Aussi est-il temps de se former aux nouveaux enjeux comme le propose Christian Harbulot, le charismatique directeur de l’Ecole de guerre économique, qui forme depuis un quart de siècle des cadres à affronter ces défis d’un nouveau genre. De telles techniques se déclinent parfaitement au sein des entreprises qui s’adaptent et sont désormais en mesure d’engager à leur niveau une authentique diplomatie d’entreprise, sur le modèle proposé par Jacques Hogard, qui donne des exemples concrets de ce qu’il conduit depuis deux décennies avec sa société EPEE.

Pour ma part, dans ce dossier, la direction de Constructif m’avait demandé de plancher sur la dimension influence et contre-influence de ces nouvelles guerres économiques. De fait, les entreprises françaises exercent leurs activités dans un contexte de guerre économique multiforme, miné par des affrontements informationnels et communicationnels. Cependant, il faut impérativement rappeler que la première chose à faire avant de se lancer dans une quelconque opération d’influence ou de contre-influence, est d’établir un constat lucide de la situation, débarrassé des préjugés, notamment idéologiques. Autrement dit, il convient prioritairement de regarder les choses en face. Retour au pragmatisme. Et c’est là une aporie majeure. Car comme je le rappelle, « chez les dirigeants, qu’ils soient politiques ou économiques, le monde est souvent perçu d’abord comme une représentation médiatique. Le réel qui est mis à leur disposition (médias, rapports, analyses, etc.) est d’abord filtré, puis mis en forme et analysé par ceux qui « font l’opinion ». Ces derniers impriment aux événements qu’ils observent leur propre grille de lecture, qu’ils ont acquise dans les écoles où, sans en avoir nécessairement conscience, ils ont été formatés. Les faits observés sont dès lors mis en forme grâce au système de décryptage, le plus souvent réputé « scientifique » et admis comme seul valable, par ceux qui adhèrent – consciemment ou non – à la pensée mainstream. De même, les outils d’observation qui vont conforter ces analyses ne naissent pas ex-nihilo. Ils sont calibrés en fonction de paramètres très précis. Ainsi, les algorithmes sont ciselés selon des critères qu’impose ce même mainstream. En outre, le dirigeant politique ou économique s’entoure d’équipes elles aussi issues des mêmes moules, partageant les mêmes paramètres d’observation et surtout la même manière de percevoir le monde et de le jauger – voire de le juger. Dès lors, il ne faut pas s’étonner de distorsions majeures entre le réel rapporté (médiatique) et ce qu’il est en réalité. Ce qui engendre des conséquences terribles dans le traitement des crises ou le déploiement des stratégies ».

Résultat ? « Parmi les dirigeants, il y a ceux qui, dépourvus de tout esprit critique, suivent les leçons apprises sans barguigner. Viennent ensuite ceux qui doutent, mais craignent d’apparaître comme anachroniques et préfèrent adopter la politique de l’autruche. Enfin, il y a ceux qui sont parfaitement conscients de cette aporie mais semblent désarmés pour faire face. D’autant que communicants et conseillers sont là pour les freiner et les faire rentrer dans le rang. D’où l’angoisse des politiques et chefs d’entreprise à décider dans l’incertitude, comme l’a si bien analysé le général Vincent Desportes. Enfin, il faut intégrer ici le facteur temps. La pression qui s’exerce sur celui qui décide est d’autant plus forte qu’il est soumis au diktat de la réactivité, de l’immédiateté. Ce facteur, qui a pris une ampleur inégalée avec l’irruption d’Internet, a été concomitant avec la montée en puissance angoissante du vide stratégique – pour reprendre le titre d’un ouvrage de Philippe Baumard (CNRS éditions, 2012). Cette distorsion sans cesse croissante entre réel médiatique et réel « immédiatique » a ainsi des conséquences très concrètes pour le dirigeant d’entreprise et ses équipes. » M’appuyant sur des cas concrets tirés de ma propre expérience professionnelle, notamment au Brésil, je m’efforce ensuite de proposer des pistes pour s’extraire de manière opérationnelle de ces pièges.

Vous trouverez ci-après le lien pour télécharger Nouvelles guerres économiques, le n°58 de la revue Constructif, et prendre ainsi connaissance du dossier dans son intégralité, où, outre les auteurs déjà nommés, on trouve bien sûr l’actuel président de la FFB, Olivier Salleron, ainsi que  le ministre Franck Riester mais aussi Cedric Tellenne, Olivier Iteanu, Julien Damon, Joffrey Célestin-Urbain, Emmanuel Combe, Frédéric Gonand et Jean Michelin, sans oublier un débat entre Elvire Fabry et Agnès Verdier-Molinié et également un texte exhumé des archives du grand Richelieu, lequel mettait déjà en évidence dans son Testament politique (1688) la façon dont se forme la puissance d’une nation par le commerce et la force maritime…

Bonne lecture à tous de ce n° de Constructif particulièrement roboratif !

Bruno Racouchot, directeur de Communication & Influence

Télécharger le n°58 de la revue Constructif

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