1er octobre 2016 – Puissance et influence des Etats-Unis à l’heure de l’élection américaine

Publié le 1 octobre 2016 par Bruno Racouchot

Comme toujours, l’excellente revue de géopolitique Conflits, dirigée par Pascal Gauchon, nous livre aujourd’hui un n° hors-série de haute tenue, intitulé Les visages de la puissance américaine, indispensable pour comprendre les enjeux de l’élection présidentielle à venir aux Etats-Unis. Loin du bourrage de crâne inepte délivré par la majeure partie des commentateurs français, il permet de saisir la nature des mutations à l’œuvre dans la politique de puissance américaine. En particulier dans le domaine qui nous intéresse au premier chef, à savoir l’importance du soft power. Quelles relations puissance et influence entretiennent-elles dans la vision et la praxis stratégiques américaines ? Quels périls et quelles opportunités peut-on déceler ? Dans son éditorial, Pascal Gauchon relève : « Les fondements de la puissance américaine ont changé, il s’agit maintenant de l’innovation financière, du contrôle du droit international, du formatage d’Internet, de la fabrique de l’opinion mondiale, de l’interception des communications ; dans ces domaines, la supériorité des Etats-Unis dépend d’une petite élite très qualifiée et très bien payée. Les Etats-Unis n’ont plus besoin de cols bleus, mais de geeks et de golden boys souvent importés du reste du monde. C’est grâce à eux que l’Amérique fait sentir sa force. Rien de plus exemplaire que la façon dont elle réussit à imposer son droit à travers la planète, forçant les entreprises à se conformer aux règles qu’elle a édictées sous peine d’amendes et de taxes. » Et Pascal Gauchon d’ajouter : « Les Etats-Unis ne sont pas nos amis, ils sont les amis des Etats-Unis. Et il n’y a aucune raison pour l’Europe de se faire tordre en permanence le bras par Washington et de recevoir la tête courbée ses leçons, il y a toutes les raisons pour qu’elle cherche à récupérer son autonomie et devienne l’amie d’elle-même ». D’où le titre clair que Pascal Gauchon donne à son éditorial : « C’est le moment de se séparer »

L’article consacré à la guerre du droit, signé par Hervé Juvin, conforte complètement cette analyse. « L’imposition du droit vise à instaurer l’obéissance mondiale à la loi américaine. Les Etats-Unis, ou leurs alliés, décident souverainement du Bien, du Juste et du Vrai ; au monde de s’y plier. Tout un système de pouvoir travaille à produire le consentement des populations. Ce n’est pas qu’elles obéissent ; c’est qu’elles y croient ! L’Europe laisse opérer ONG, Fondations, think tanks financés par les Etats-Unis, valide leur affichage humanitaire ou moral et leur permet de promouvoir des systèmes, des classements, des modèles qui n’ont rien à voir avec ses traditions et ses préférences collectives. » On voit donc là le rôle-clé joué par le soft-power et l’engagement de stratégies d’influence. Cette combinaison des hard et soft powers se trouve également bien disséquée par une analyse de Frédéric Munier, sur le thème La puissance du rêve, le rêve de la puissance, ou encore par le décryptage que fait Anne-Sophie Letac de La promotion du savoir. Ce subtil process fait que le système universitaire américain attire les étudiants et chercheurs du monde entier, jouant tout à la fois sur les intérêts financiers et la fascination mythique qu’il exerce. De même, la maîtrise des canaux de savoir pose bien sûr la question de la maîtrise du cyberespace, où Olivier Kempf note une militarisation structurelle croissante de la part des Etats-Unis. Le cyberespace s’impose de fait comme un outil répondant parfaitement à leurs aspirations, la puissance technologique permettant le contrôle des contenus. Tout à la fois technologique et universel, le cyberespace, précise Olivier Kempf, « permet d’agir dans les deux dimensions privilégiées de la puissance : l’économie et le militaire. On aurait pu ajouter la dimension culturelle en rappelant que soft power et smart power sont des inventions américaines et utilisent abondamment le cyber pour se diffuser. Tout ceci permet une stratégie intégrale qui vise à asseoir (ou rétablir) une domination américaine sur le monde à venir. »

Il serait trop long d’énumérer ici les multiples contributions fournies tout au long de ce numéro par des auteurs de haut niveau. Mais force est de constater que nombre d’entre elles intègrent – avec raison – dans leur développement, le paramètre-clé du soft-power. Ce n’est en rien un hasard. Car si les Etats-Unis savent allier à merveille les ressources de la puissance et de l’influence, c’est qu’ils voient en cette combinaison la possibilité pratique d’une optimisation permanente de leurs visées géopolitiques. De fait, comme le résume Pascal Gauchon, le sentiment d’exception qu’ont les Américains, fondé sur la conviction de la prédestination de leur destin (l’Amérique étant perçue comme « la plus grande aumône que Dieu ait jamais faite au monde » (Emerson)), fait que la puissance américaine ne ressemble à aucune autre. Quand donc les Européens sauront-ils eux aussi se souvenir que la force des idées constitue le socle de toute volonté de puissance ?…

Bruno Racouchot, Directeur de Communication & Influence

Les visages de la puissance américaine, Revue Conflits, hors-série n°4

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