17 février 2016 – Renseignement, opérations hybrides et jeux d’influence

Publié le 17 février 2016 par Bruno Racouchot

Le rapport annuel 2015 de la délégation parlementaire au renseignement a été présenté aujourd’hui en commission au Sénat. A l’évidence, les autorités françaises semblent désemparées face aux nouvelles configurations auxquelles elles se trouvent confrontées. On oscille tout à tour entre fétichisme technologique à tout crin et disputes byzantines au sein de l’administration, en « oubliant » le plus souvent de poser les questions de fond, celles qui donnent – ou devraient donner – du sens. Car il est patent que nous nous trouvons devant des mutations qui échappent à nos classiques analyses cartésiennes. Aussi est-il bon de renvoyer ceux qui s’intéressent à ces questions aux excellentes analyses publiées régulièrement par la très discrète lettre Codex, publication fort bien faite de la Brigade de renseignement. 

Dans son dernier n° de janvier, elle livre une pertinente approche du livre de Joseph Henrotin, Techno-guérilla et guerre hybride – Le pire des deux mondes (Nuvis, 2014). Au-delà des seuls aspects techniques, on y voit bien le rôle joué par les opérations informationnelles. « Dans le domaine militaire aussi, il s’agit de « pré-voir » l’imprévisible. Par sa nature dyna­mique et son processus itératif, le cycle du renseignement doit répondre à cet impéra­tif. Encore convient-il de s’assurer de couvrir tout le spectre des sources d’informations possibles, via une multiplicité de capteurs, de disposer d’une qualité d’analyse propre à s’affranchir des idées reçues par trop « ethnocentrées », d’assurer enfin le continuum stratégique entre recherche, exploitation et diffusion de l’information à des fins de prise de décision. Plus le « brouillard de la guerre » que décrivait déjà Clausewitz s’épaissit, plus s’impose la nécessité du renseignement. Une nécessité à laquelle sont en réalité confrontées toutes les organisations. »

Et l’auteur de la note d’enfoncer le clou : « Carburant des nouvelles « guerres hybrides », l’information ne vise pas seulement à une meilleure connaissance de l’ennemi, de ses intentions, des théâtres d’opération qu’il vise ou entend protéger. Elle est aussi une arme. « Le développement de l’information et du cyberespace pose la question de son utilisation comme instrument non seule­ment de renseignement mais aussi de combat à proprement parlé, dans une optique de disruption ou de destruction«  ». L’auteur de la note ajoute très justement : « À la croisée du civil et du militaire, ces « opérations informationnelles » exigent des techniques éprou­vées, ainsi qu’un tact certain. Elles imposent surtout un retour aux fondamentaux de toute stratégie. La guerre étant la continuation de la politique par d’autres moyens, « la conversion en victoire ou en succès des réussites militaires ne peut se passer de la politique. » Les modes d’action ne constituent qu’une partie de l’équation stratégique. Seule la décision politique est créatrice de sens.« 

De fait, pour gagner, il faut qu’il y ait une réhabilitation du stratégique, donc avant tout du politique. « Est souverain celui qui décide d’une situation exceptionnelle » disait le juriste et politologue Carl Schmitt. Nos dirigeants seraient bien avisés de méditer cette maxime. Et aussi de se roder chaque jour davantage aux subtilités des jeux d’influence. Comprendre et pratiquer l’influence était d’ailleurs le titre d’une note réalisée par Codex en septembre dernier. A l’heure où la délégation parlementaire au renseignement s’interroge sur les orientations à prendre, on ne peut qu’en recommander la lecture…

Bruno Racouchot, Directeur de Communication & Influence

Pour recevoir la Lettre Codex de la Brigade de renseignement : offcom.brens@gmail.com

Lire le n°15 de Codex sur Comprendre et pratiquer l’influence

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