9 juin 2015 – Les rouages de la guerre de l’information : la France face à Daech

Publié le 9 juin 2015 par Bruno Racouchot

La France peut-elle vaincre Daech sur le terrain de la guerre de l’information ? Tel est le questionnement ouvert sans tabous par Christian Harbulot, directeur de l’Ecole de Guerre Economique, et ses équipes dans un récent rapport d’alerte. Au-delà du choc des images de mise à mort en direct, il y a une logique froide, puissante et cohérente mise en œuvre, qui se rapporte à la nature même de la guerre de l’information. Pour Christian Harbulot et ses chercheurs, celle-ci se définit : 1/ par le contenant de nature technologique. Les attaques passent par les systèmes d’information (piratage, virus, paralysie ou destruction des communications) ; 2/ par le contenu qui recouvre les opérations de propagande et de contre propagande, les techniques de pression psychologique, les méthodes de désinformation, la manipulation par la production de connaissances de nature institutionnelle, académique, médiatique, sociétale (fondations, ONG). En ce sens, soulignent-ils, « la guerre de l’information bouleverse les lois de la guerre traditionnelle : pas de déclaration de guerre ; avantage décisif pour l’attaquant ; pas de traité de paix ; pas de fin temporelle ; pas d’agresseur identifiable avec certitude. » Il est donc grand temps de sortir de notre léthargie et de notre angélisme pour regarder enfin les réalités en face. 

Ce rapport d’alerte – qu’il faut absolument décortiquer et faire circuler – met en relief deux éléments importants. D’une part, il pointe que des Etats – et non des moindres (Royaume-Uni, Etats-Unis, Russie, Israël, Chine) – ont intégré depuis plusieurs décennies la notion de guerre de l’information à leurs stratégies d’influence et à leurs prolongements politico-militaires. D’autre part que la culture terroriste à laquelle nous nous trouvons aujourd’hui directement confrontée, est née et se nourrit de cette forme d’action qui prend une résonance particulière avec le développement d’Internet et des technologies de l‘information. Comme l’écrit avec beaucoup de bon sens dans la préface Alain Juillet, Président du Club des Directeurs de Sécurité des Entreprises et de l’Académie d’Intelligence Economique, « confronté à l’efficacité de l’utilisation du cyberespace par les salafistes de Daech, notre pays semble tétanisé dans une sorte de fascination similaire à celle du lapin face au boa qui veut l’avaler. Loin de faire une analyse froide des méthodes et des moyens utilisés par l’attaquant, on refuse de reconnaître qu’il s’agit d’une nouvelle forme de menace s’exprimant dans l’immatériel : la guerre de l’information. »

Bien sûr, reconnaît Alain Juillet en excellent spécialiste de la question (il fut directeur du renseignement à la DGSE), les manipulations inhérentes à la guerre de l’information ont toujours existé. Mais l’on doit reconnaître qu’avec internet et les réseaux sociaux, la guerre de l’information elle-même a pris une dimension nouvelle, d’une ampleur planétaire. « Aujourd’hui, tout belligérant doit convaincre l’univers entier qu’il livre une guerre juste. Toute prise de contrôle économique doit se justifier par l’incompétence et les turpitudes de celui qui va être absorbé sans jamais faire apparaître les véritables motivations. On fait la guerre pour la liberté des peuples, pas pour le contrôle d’un pipe-line ou de puits de pétrole. On assassine en direct pour montrer jusqu’où on est prêt à aller pour reconstituer la pureté d’un califat originel dont la réalité n’existe que dans les rêves de ses zélateurs. On démantèle une entreprise au nom de la morale anticorruption pour en récupérer les éléments stratégiques. » Plus que jamais, les jeux complexes de l’influence s’exercent dans des stratégies de communication qui peuvent apparaître déroutantes à l’homme de la rue, mais ne s’en révèlent pas moins être d’une redoutable efficacité.

Bruno Racouchot, Directeur de Communication & Influence

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