26 janvier 2013 – L’influence de la Grande Guerre sur la quête d’identité

Publié le 26 janvier 2013 par Bruno Racouchot

Aussi curieux que cela puisse paraître, il existe un véritable engouement des Français pour la Grande Guerre. Ils sont de plus en plus nombreux à enquêter sur l’implication de leurs ancêtres dans le premier grand conflit mondial, à se rendre sur les champs de bataille, visiter les musées ou se recueillir dans un mémorial. Tel est le constat dressé par l’historien Antoine Prost, professeur émérite de l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, qui préside le comité scientifique de la Mission centenaire 2014 créée pour les commémorations de la Première Guerre mondiale. Dans un entretien accordé au quotidien Libération (26/01/13), il souligne : « On aurait pu penser que la mémoire de la Première Guerre mondiale s’éteindrait progressivement. Or elle ne cesse de se faire plus présente et plus insistante. On assiste à une montée de cette mémoire dans l’opinion publique. »

Surtout, les interrogations qui accompagnent ce mouvement révèlent le formidable décalage qui s’est opéré en un siècle dans les mentalités et les manières d’être. « La question la plus insistante est celle du vécu des soldats, parce qu’aujourd’hui, ce conflit nous paraît incompréhensible. Comment expliquer qu’autant de gens se soient battus aussi longtemps dans des conditions aussi difficiles ? Et comment a-t-on pu accepter autant de morts ? Autant d’invalides ? Comment comprendre ce phénomène qui nous semble si étrange ? » Et Antoine Prost de constater : « Nous vivons dans une société très différente, la France était alors rurale, très rude. Nous habitons aujourd’hui majoritairement en ville, dans le confort. Nous avons des loisirs, des congés. Sans parler de la radio, de la télévision, d’Internet, des portables, etc. Nous sommes surinformés. Tout se sait tout de suite. Il y a les Nations unies, l’Europe, l’euro… Le sentiment national a changé : il demeure, mais il doit compter avec d’autres solidarités vécues. Le service militaire a disparu. Le rapport entre l’armée et la nation n’est plus du tout le même. En 1914, l’armée, c’était la nation en armes. 8 millions d’hommes ont été mobilisés, c’est énorme ! ». Et surtout, ajoute-t-il, « le rapport de la société à la mort est aussi très différent. En 1900, un enfant né vivant sur cinq mourait avant l’âge de 5 ans ! Durant la guerre, la mort frappait à tout instant. On a perdu 1 400 000 hommes sans qu’aucun soutien psychologique ne soit mis en place. Aujourd’hui, la perte d’un soldat en Afghanistan est vécue comme un traumatisme. Les pratiques de deuil et les rites funéraires aussi ont changé. »

Dans notre monde en quête de sens et de repères, la Grande Guerre ressurgit ainsi comme pôle d’identité. Elle constitue un foyer d’influence méta-historique, qui nous fait nous interroger sur notre Être-là, parfois douloureusement tant nous nous sommes éloignés de nos racines et finalement, de notre Être-propre. La Grande Guerre nous interpelle ainsi par-delà le mur du Temps. Nietzsche avait finalement raison, lui qui clamait audacieusement : « Ecris avec ton sang, et tu apprendras que le sang est Esprit »

Bruno Racouchot, Directeur de Communication & Influence

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